Histoire de Lilibeth

Publié le par Nymphea

Lilibeth était une des plus belles courtisanes de la Cour de Venise au 16è siècle. Adulée par tous les proches du Roi, elle était sans nul doute la favorite de Sa Majesté et la plus jalousée de toute par la Reine...

La vie était belle à Venise, le château regorgeait de richesses, de fêtes innombrables, de banquets en tous genres, Lilibeth était vêtue des plus belles étoffes par le Roi, elle dormait dans les draps les plus fins et les plus délicatement ouvragés du royaume.

Mais au printemps 1575 tout fût bouleversé.

Une épidémie de peste comme on en avait rarement connu apparue dans la ville, apportée de Constantinople par les caravelles entrées dans le port pour commercer.

La mort d'un premier homme passa presque inaperçue au château, mais la Reine qui veillait sur son peuple eu vent de la terrible maladie qui se répandait.

Lilibeth, peu intéressée par l'extérieur du château, ne se tenait pas au courant de ce qui se passait dans la ville, elle avait souvent été plusieurs mois sans sortir du château et ne s'en plaignait pas, tant elle aimait son confort.

Le Roi, sans l'inquiéter, lui demanda d'éviter les sorties pendant un moment et la couvrit de bijoux et autres parures afin qu'elle écoute sa demande et la prenne au sérieux, et surtout qu'elle soit occupée en attendant que la Mort laisse la ville en paix.

2 mois, 6 mois, 1 an passèrent, la Reine n'en pouvait plus de voir à quel point le Roi prenait soin de protéger Lilibeth tout en l'oubliant au passage, elle, son épouse légitime !

Nous étions alors à presque 4000 morts dans Venise que la peste avait emportée d'une façon ou d'une autre. Cette année enfermée dans le château avait donné à la Reine un élan vengeur, un sentiment de traitrise par son époux et par la Cour qui continuait de ne parler que de la beauté et des talents de Lilibeth. La Reine envoya une de ses servantes se renseigner sur l'état de l'épidémie, celle-ci ne fût pas autorisée à entrer au château une fois revenue avec les informations et on ne sait ce qu'il est advenu d'elle.

La Reine voyant que la Peste continuait d'emporter les âmes du royaume, mit au point un plan machiavélique. Elle alla trouver Lilibeth, lui intimant de se rendre à un banquet dans une des demeures nobles de la ville, afin de ralier une famille à la cause du Roi. Elle lui précisa que la Roi n'en serait que d'autant plus attaché à elle et qu'elle en tirerait un grand prestige et une place d'autant plus éminente à la Cour.

Lilibeth, vaniteuse et sûre d'elle, accepta immédiatement, consciente de ce que cela pouvait lui amener. Elle se para de ses plus beaux atouts et partit dans un carrosse très discret, sur ordre de la Reine.
Elle fut conduite dans un lieu autrefois très beau mais rendu totalement morbide à présent par la peste qui régnait en maître sur la ville. Lorsqu'elle sortie du carrosse pour jeter un dernier coup d’œil afin de comprendre cette mauvaise blague, un mendiant (payé par la Reine par l'intermédiaire de la servante qu'elle avait envoyé quelques jours plus tôt) se jeta sur elle pour lui demander de l'aide, pour le guérir par sa grâce et sa beauté. Il toucha sa robe, se frotta le visage avec, toussa, crachat, caressa son visage de ses mains impropres... Le serviteur du Roi voyant cela de l'avant du carrosse, tua le mendiant pour sauver Lilibeth de cette emprise.

Elle demanda à revenir au château mais ni elle, ni le serviteur ne furent autorisés à entrer. Elle comprit alors la trahison de la Reine et ressentit une immense amertume ainsi qu'une profonde honte de n'avoir pas compris plus tôt le plan odieux de Sa Majesté la Reine.

Prise de panique elle couru partout où elle connaissait autrefois des nobles peut-être prêts à l'accueillir pour se protéger, car entre temps elle avait aussi pris conscience de l'état de santé de sa douce Venise. Elle frappa à plusieurs portes, morts, morts, morts, elle poursuivit ses recherches, morts, morts, morts, ils était tous morts... Parmi les 4000 décès entre le printemps 1575 et le printemps 1576, une majorité de petites gens avait péri mais une grande part de la noblesse également, la mort se fiche des hiérarchies...

Au bord de l'hystérie, elle se réfugia dans les canaux de la ville, vides et sales... Les égouts... Confinée elle se sentait plus en sécurité qu'à l'air libre où le virus rôdait. La pauvre avait bien peu de connaissances en médecine, en quelques jours elle fût atteinte de ce terrible mal.

Elle fût prise d'une violente fièvre qui la faisait halluciner, puis vint le moment des nausées, vomissements, la gangrène à l'extrémité des membres, elle ne pourrait dire combien de temps elle a enduré ces supplices, ni même si quelqu'un est venu la voir en ces instants où elle hurlait de douleur mais un matin de printemps 1576, Lilibeth ouvrit les yeux.

Elle ne ressentait plus aucune douleur, aucun mal, elle voyait étrangement bien dans le noir... Ce qu'elle avait pris pour un canal d'égout était en fait une sorte de grotte souterraine, avec des voûtes, des pièces assez grandes, remplies d'armes... Les combles du château ! Elle était dans les combles de Son château, sa demeure ! Retourner à la Cour, il le fallait, trouver la Reine, lui faire payer, l'humilier en public, demander à son Roi de la châtier ! Elle était dans une fureur incontrôlable !

Elle chercha le passage qui menait à la salle des officiers, elle n'eût aucun mal à le trouver, un sens inné de l'orientation la guidait sans ces galeries, ce qui l'étonna mais elle n'y fit pas plus attention tant elle avait l'esprit vengeur.

Elle passa par la salle des officiers, remonta le long des couloirs des serviteurs, tout le monde semblait occuper ailleurs, à vu d’œil il semblait être quelque chose comme 18h, le repas était en train d'être servi elle pourrait les surprendre dans la grande salle de repas, c'était gagné, elle retrouverait sa place !!!

Elle arriva dans la salle de repas, la grande table en bois ouvragé lui semblait encore plus belle que dans ses souvenirs, elle voyait chaque détail avec une précision incroyable. L'odeur des plats, la chaleur du feu, les poussières des tentures... Elle ne sentait rien... Rien ! Elle mit ça sur le compte de l'émotion mais elle aurait aimer retrouver les odeurs de vie.

Et elle les vit, là, assis à manger des mets raffinés, une grande table avec les courtisans, le Roi et... la Reine. Elle hurla, elle s'approcha pour insulter celle qui l'avait trahi, elle était hystérique !!! Mais rien ne se passa, personne ne réagit. Désarçonnée, elle voulu arracher le verre de vin de la Reine, mais ne put saisir ce dernier. Horrifiée, désorientée elle recula, regarda ses mains et vit la couleur de sa peau... Grise, sa peau était grise, comme en putréfaction, mais belle. Elle alla près du miroir, elle ne vit qu'un pâle reflet, transparent, à peine perceptible, avec deux grands yeux rouges fendu au milieu de noir !

Elle hurla, personne ne l'entendit, et partit en courant vers ses appartements. Rien n'avait bougé, la Reine avait dit au Roi que Lilibeth était partie en voyage pour éviter la peste et qu'elle finirait sans doute par revenir si elle tenait à lui... Manipulation.

Retrouver ces lieux lui redit son calme, elle s'assit sur le bord du lit, et pleura, des larmes froides, glacées. Elle se rendit devant la coiffeuse, à présent elle se voyait, nettement, sans voile, sans pâleur, telle qu'elle était à présent = une beauté démoniaque. Des yeux rouges fendus de noir tel un serpent, une peau grise, des cheveux de feu... Bizarrement elle fut presque consolée de voir qu'elle était encore plus magnétique et envoûtante qu'avant mais elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait.

C'est là que cela se produisit.

Au-dessus de sa couche, une toile très ancienne, datant sans doute du Moyen-Âge et appartenant à sa famille depuis sans doute autant de temps, se mit à suinter. Elle suintait, et elle suintait encore, une odeur d'huile de rose s'en dégageait, le liquide était pourpre foncé presque noir. Une flaque se forma, Lilibeth était pétrifiée.

La flaque se condensa et se métamorphosa en une sublime.... une sublime quoi d'ailleurs, Lilibeth ne pouvait la décrire. C'était une femme, à la beauté sans pareil, mais le plus étonnant c'est qu'elle ressemblait à Lilibeth mais avec une maturité totalement différente.

Lilibeth n'avait pas spécialement peur, à son grand étonnement, elle était même agacée de voir une femme qui la battait sans nul doute en charisme !

La femme s'approcha, Lilibeth se leva et alla pour la chasser de sa chambre mais une force invisible la força à se rassoir immédiatement. Lilibeth écarquillait les yeux, dans la lumière des bougies, la femme semblait flotter dans l'air... En fait, elle flottait !

Lilibeth n'eut pas le temps de poser des questions, la femme s'assit près d'elle est commença à parler. Elle lui expliqua qu'elle était son ancêtre, lui raconta son histoire fort longue puisqu'elle avait plus de 1000 ans, elle en vint à cette nuit de printemps de 1576.

Lilibeth, mourante, cherchait de l'air dans les canaux de la ville, elle était bien dans les égouts à cet instant. Au moment du passage vers l'autre monde, celui où la lumière remplace tout, Belzebeth, son ancêtre ne put se résigner à voir mourir une telle beauté ! Elle était son portrait le plus fidèle, il était hors de question qu'elle soit gâcher ! La vanité était sans doute ce qui coulait dans les veines de ces deux femmes et que l'une avait transmise à l'autre par delà les siècles.

Elle expliqua à Lilibeth qu'elle n'était pas morte grâce à son intervention (et à quelques démons sur lesquels elle ne s'étendit pas) mais pas vivante non plus. Elle lui révéla sa vraie nature qui avait fait d'elle le bijou suprême de la couronne vénitienne, elle était née avec du sang de vampire dans les veines mais pas assez pour à cette époque prétendre à l'immortalité et tout le reste... Mais sa beauté était démoniaque même de son vivant... A présent elle était une sorte de cadavre vampirique, elle ne mourrait pas, ne vivrait pas non plus mais Belzebeth lui assura qu'elle trouverait par elle même un autre sens à apporter à sa vie. Elle l'avait ramener dans les combles du château jusqu'à son réveil pour que personne ne puisse la « salir ».

Sonnée, Lilibeth ne disait rien, elle aurait dû ressentir de la colère, du dégoût, de la haine, mais étrangement elle était plutôt subjuguée par Belzebeth, et finalement... la remercia, tout en restant amère de la condition qu'elle lui avait offert, non pas pour sauver sa descendance, mais uniquement par vanité...

Lilibeth la regarda, elle lui demanda pourquoi elle n'avait pu attrapé le ver de vin, pourquoi personne ne l'entendait, pourquoi elle ne s'était vu que fantomatique dans le miroir la première fois et parfaitement la deuxième. Belzebeth lui expliqua que lorsqu'elle était trop en colère, cela la dispersait et ne permettait plus à son énergie de toucher le monde vivant, et que lorsqu'elle était calme elle pouvait parfaitement entrer en interaction avec lui et qu'avec le temps elle pourrait aussi décider d'être vue et entendue par les vivants mais qu'il lui faudrait plus d'expérience.

Elle lui assura également qu'elle serait à ses côtés car elle-même avait besoin de soins pour sa peau si délicate, 1000 ans de « vie » et presque autant de mort, cela demandait un certain entretien...

 

Lilibeth passa de nombreuses années à errer dans le couloirs, faisant peur à certains, en caressant d'autres, elle passa des nuits auprès de son Roi qui avait toujours espoir de la voir revenir, on dit même qu'elle fit certaines choses qui faisaient hurler le Roi mais certainement pas de douleur. Tout le monde pensa à des rêves mais... c'était l’œuvre d'une vampire invisible.

A la mort du Roi, Lilibeth continua à vivre dans le château, le Roi avait laissé un testament dans lequel il disait ne pas vouloir que l'on touche aux appartements personnels de Lilibeth, il croyait toujours à son retour. Elle passa des années, des années, des années, elle vit défilé des gens, des époques, des styles vestimentaires et un jour... des touristes !

Elle avait supporté ces hommes qui parlaient forts et qui venaient retaper ses appartements, défraîchis par le temps mais les touristes qui prenaient des photos, qui abîmaient son parquet et touchaient à ses affaires alors là non !

Un jour, elle sentit comme une force en elle, quelque chose de... palpable, c'était le moment! Elle se mit au milieu d'un groupe d'adolescent parlant fort, mâchant du chewing-gum, disant du portrait de son ancêtre qu'il était démodé presque laid... Elle prit une grande inspiration et ce fût là, à ce moment précis, qu'elle maîtrisa totalement son corps et apparue aux yeux de tous !

Des hurlements s'échappèrent de la pièce, la panique gagna la foule, tous se précipitèrent vers la sortie, se piétinant, écrasant appareils photo, lunettes, sac à mains, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que le silence. Lilibeth regarda son aïeule et sourit, le portrait lui rendit son sourire.

Depuis ce jour les appartements de Lilibeth ont été interdits au public et restent un mystère pour la plupart des hommes travaillant dans le château.

Lilibeth a acquit le don de voyager dans le temps, par l'intermédiaire des tableaux, elle n'arrive pas forcément dans le château par manque d'expérience mais est revenue vivre dans ses appartements aux temps bénis où Venise était la splendeur incarnée. Oh jamais elle ne pourra changer son statut mais elle vit là, chez elle, auprès de son Roi en vie, en continuant de remplir de noirceur les années de la Reine. Elle n'apparait jamais aux yeux du Roi, de peur que son apparence change ses sentiments, mais elle veille sur lui et cela a fini par lui suffire. Elle est toujours très proche de Belzebeth qui lui rend souvent visite, elle s'occupe de ses soins et profite de l'expérience de son aînée. Elle n'est pas seule et c'est ce qui compte pour elle.

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N
Merci beaucoup!<br /> Cela me donne des idées effectivement! Des passages de sa vie au château par exemple, il faut que je m'y penche ^^
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S
Quelle belle histoire, elle est très agréable à lire! J'ai beaucoup aimé. J'espère qu'il y en aura d'autres!
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N
Merci ma Louna!<br /> Je me suis éclatée à l'écrire, elle est venue toute seule en fait ^^<br /> Alors je suis super contente qu'elle te plaise!<br /> C'est de sa faute si j'ai craqué pour une Elisabeth de toute façon lol
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L
Quelle superbe histoire! je me suis régalé ma petite Nymphe! J'ai aussi beaucoup aimé la façon que u as lu de lié son histoire à celle de lulu! un vrai plaisir vraiment! ^^
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